GABRIEL (A. J.)

GABRIEL (A. J.)
GABRIEL (A. J.)

Si l’un des mérites principaux de l’architecture réside en l’adaptation raisonnée de l’édifice à sa destination et à son site, l’œuvre d’Ange Jacques Gabriel peut être tenue pour exemplaire. La place Louis-XV, l’École militaire, les résidences royales, l’Opéra de Versailles ont proposé à cet architecte français autant de programmes divers qu’il faut considérer tour à tour pour apprécier la manière dont ils ont été réalisés.

Entre l’animation baroque et la froideur néo-classique, Gabriel a toujours conservé un équilibre et une juste mesure qui, à vrai dire, touchent peu la sensibilité de notre temps. Plus d’imprévu distingue à nos yeux les œuvres créées au contact de l’art baroque par ses contemporains portant des noms français: Jardin à Copenhague, Jadot à Vienne, La Guépière au Wurtemberg. Pour être équitable, il faut reconnaître en Gabriel, non le génie d’un novateur, mais les qualités d’un très grand maître: la noblesse et la simplicité des partis, la distinction de l’ornement et des profils, le sens de l’échelle urbaine et monumentale. Il ménage avec autant d’aisance que d’ampleur les articulations d’une façade. Il veille avec sévérité à la bonne exécution de l’appareil, des ferronneries et des lambris. Ses nombreux dessins, conservés pour la plupart dans les papiers de la Maison du roi (Archives nationales), attestent la prudence de sa démarche et l’exigence de son goût.

Approcher l’œuvre de Gabriel, c’est recueillir une leçon de probité artistique. C’est aussi reconnaître le soin donné par le plus intelligent des Bourbons aux monuments de son règne.

1. La place Louis-XV

Ange Jacques Gabriel, né à Paris, est issu d’une famille d’architectes estimée dès le règne de Louis XIV et liée par un mariage à celle des deux Mansart. Son grand-père, Jacques IV Gabriel, est signalé avec éloge dans les mémoires de la Grande Mademoiselle. Son père, Jacques V, premier architecte du roi, a laissé de fort beaux édifices: l’hôtel de ville de Rennes, la place Royale de Bordeaux, l’évêché de Blois. Lui-même avait dessiné tout jeune sous les yeux de Louis XV et il recueillit la succession paternelle en 1742. Pendant trente ans, il fut le principal ordonnateur des entreprises de ce souverain.

À Paris, comme à Versailles, un temps de repos avait succédé à l’effort architectural du règne de Louis XIV, alors que, par la plume de Voltaire et celle de La Font de Saint-Yenne, le mouvement philosophique étendait sa critique aux problèmes d’architecture et d’aménagement urbain. Après la paix d’Aix-la-Chapelle (1748), le retour à la prospérité et l’influence de Mme de Pompadour imprimèrent à l’architecture officielle un nouvel élan. Gabriel fut subordonné aux deux directeurs successifs des Bâtiments du roi, Tournehem et Marigny, parents de Mme de Pompadour. Il obtint le respect de Marigny, objet de la faveur royale, mais jaloux de son autorité et versatile dans ses convictions esthétiques. Grâce à la confiance de Louis XV et malgré de nouvelles économies imposées par la guerre de Sept Ans, Gabriel sut mener à bien une œuvre ample et variée à laquelle a manqué, seulement, une grande église. Il y maintint les traditions classiques du règne de Louis XIV, mais avec les nuances de grâce et de sensibilité qui distinguent le goût de son temps.

La création de la place Louis-XV, aujourd’hui place de la Concorde, se situe dans une longue tradition. En 1750, en effet, quatre places parisiennes encadraient déjà la statue d’un souverain et plusieurs villes de province venaient de consacrer des monuments à Louis XV le Bien-Aimé. À Paris, la place Louis-XV eut aussi son origine dans une décision municipale, ce qui semblait d’abord exclure l’intervention du premier architecte du roi.

Le projet se fit jour vers 1748 et se précisa en plusieurs temps. Un premier concours eut pour objet le choix d’un emplacement. Chacun des projets tendait à mettre un site en valeur ou à dégager un quartier populeux, mais exigeait des expropriations coûteuses. Parmi quatre-vingts propositions, celles du marquis d’Argenson et de l’architecte Lassurance le Jeune avaient choisi un terrain marécageux situé hors de la ville, entre le pont tournant des Tuileries et les Champs-Élysées. Le roi, à qui appartenait ce terrain, l’offrit à la ville et invita les membres de l’Académie d’architecture à composer de nouveaux projets. Gabriel se mit aussi sur les rangs. Plusieurs plans offraient des dispositions intéressantes, mais aucun d’eux ne fut jugé digne d’être retenu. Louis XV et Marigny prièrent alors Gabriel de concilier, s’il était possible, les idées les plus heureuses de ses confrères.

En un temps où le goût des beautés naturelles commençait à se répandre, le projet de Boffrand offrait l’intérêt de ne pas masquer par des bâtiments la vue de la Seine. De leur côté, les académiciens Contant d’Ivry et Hazon limitaient l’esplanade par des douves ou des fossés secs. Gabriel retint ces deux suggestions. Il réserva les constructions importantes à la seule face opposée au fleuve et définit un espace octogonal entouré de fossés et de bâtiments bas. Marigny hésitait à couper par une ligne transversale l’axe est-ouest des Tuileries et des Champs-Élysées, création de Le Nôtre, qui déjà faisait l’admiration des étrangers. Gabriel s’y résolut cependant. Il proposa l’ouverture de la rue Royale, entre deux palais sans destination très précise, mais d’extérieur monumental. À l’ouest, une avenue oblique, et symétrique au cours la Reine, devait s’ouvrir vers le faubourg du Roule. Gabriel fixa l’ordonnance de la rue Royale et décida de placer dans son axe la nouvelle église de la Madeleine, confiée à l’architecte Contant d’Ivry. Le projet définitif, arrêté en décembre 1756, est connu par la gravure et le beau dessin autographe de la collection Le Fuel. Gabriel simplifia plus tard le dessin des deux hôtels particuliers placés à l’entrée des rues Bonne-Morue (Boissy-d’Anglas) et Saint-Florentin. La statue équestre de Louis XV, œuvre de Bouchardon achevée par Pigalle, occupa le centre de l’esplanade jusqu’à la Révolution.

L’élévation des deux palais puise ses éléments dans la tradition française. L’idée d’une colonnade à jour, sur un soubassement égal aux trois cinquièmes de la hauteur de l’ordre, dérive de la colonnade du Louvre. Les colonnes corinthiennes, jumelées au Louvre, sont isolées dans l’œuvre de Gabriel. Le promenoir qui court derrière elles sert de balcon à des appartements d’apparat. L’effet de magnificence produit par la double colonnade est rehaussé par les ornements judicieusement répartis sur les pavillons latéraux: trophées, serviettes, consoles, médaillons, coquilles des niches destinées à des statues qui n’ont pas été placées. Ce décor et les groupes allégoriques des frontons furent taillés par Michel-Ange Slodtz et Guillaume II Coustou.

L’œuvre a été diversement jugée depuis sa création. Au début du XIXe siècle, ses critiques les plus sévères ont été les architectes Legrand, Ledoux et Durand, autant que l’érudit Alexandre Lenoir. Les théoriciens académiques ont jugé les supports trop maigres et les entrecolonnements trop larges. Il est plus regrettable que les architectes successifs de la Madeleine aient pourvu cette église d’un fronton qui, aperçu dans la perspective, fait double emploi avec ceux de Gabriel. L’ordonnance et le décor des palais font cependant apprécier le goût infaillible de Gabriel.

2. L’École militaire

L’École militaire fut créée pour cinq cents jeunes gentilshommes destinés au métier des armes. En méditant cette fondation, Mme de Pompadour et son protégé Pâris-Duverney désiraient attacher à Louis XV la noblesse d’épée, alors que semblait fléchir le dévouement des autres classes envers la Couronne. Leur intention fut d’élever le plus grand monument du règne et de faire pour les fils de la noblesse ce que Mme de Maintenon avait fait à Saint-Cyr pour les filles. Le programme, établi en 1751 par Pâris-Duverney, prévoyait une église desservie par les prêtres de la Mission, une infirmerie confiée aux Sœurs grises, cinq cents chambres d’élèves, de dix pieds sur douze, ouvrant sur des corridors chauffés. Il fallait loger cinquante officiers, un intendant, un chirurgien, un tailleur, un bottier... Cuisines, manèges, buanderie, latrines et autres locaux devaient être nettoyés par un système de pompes et d’égouts collectant les eaux pluviales et descendant à la Seine.

Après une première esquisse de Gabriel écartée d’emblée comme trop ambitieuse, le projet de 1753 plaça l’entrée du bâtiment vers le Champ-de-Mars. De ce côté, un édifice d’apparat, le «château», était formé de cinq pavillons réunis en chaîne par des constructions plus basses. Derrière lui s’étendait la cour d’honneur précédant l’église, située dans l’axe principal du monument. De 1753 à 1756 furent édifiés, vers l’avenue Duquesne, des bâtiments simples où l’institution put commencer à vivre. Là se trouve, à la croisée de deux corps de logis, la belle chapelle de l’infirmerie, devenue vestibule du mess, où quatre tribunes entouraient un autel central.

Le projet général fut réduit après l’expulsion de France des Jésuites (1764), qui permit l’établissement d’une autre école dans l’ancien collège de La Flèche. Ce fut alors que Gabriel inversa son plan et fixa l’entrée vers la place de Fontenoy. Le château menaçait d’être étouffé par des bâtiments plus indispensables au fonctionnement d’une grande école; mais la nécessité de fermer dignement la nouvelle perspective du Champ-de-Mars autorisa Gabriel à donner au château des proportions majestueuses: deux ailes flanquent un pavillon dont le dôme carré rappelle ceux du Louvre et de Clagny. Seul un ordre colossal, embrassant les étages de ce pavillon, orne ici judicieusement la façade. Gabriel a réservé les ordres superposés à la cour ouverte sur la place de Fontenoy, dont le visiteur peut apprécier de plus près la modénature particulièrement robuste et personnelle: le dorique redevient ici l’ordre des guerriers.

La chapelle, qui n’avait plus sa place de ce côté, fut aménagée dans le château, où elle occupe la hauteur d’un rez-de-chaussée et d’un entresol. En surmontant cette difficulté, Gabriel trouva l’occasion d’une réussite. Enveloppée de colonnes engagées dans les murs, la chapelle est couverte d’une voûte en anse de panier, au tympan délicatement sculpté par Guibert. Les salons du rez-de-chaussée ont fait place à la bibliothèque de l’École de guerre. Un escalier monumental, dont la rampe, forgée par Fayet, est l’une des plus somptueuses du siècle, conduit au salon du Conseil, aujourd’hui salle des maréchaux. D’une cour à l’autre, les immenses bâtiments de l’école sont desservis par des galeries voûtées d’une gravité quasi monacale. Après 1780, l’exécution des plans de Gabriel fut conduite à son terme par Alexandre Brongniart. Les deux ailes qui allongent la façade sur l’avenue de La Motte-Picquet sont une adjonction du XIXe siècle.

3. Les résidences royales

Seule une énumération rapide permet d’évoquer ici les nombreux travaux de Gabriel dans les demeures de la royauté. À Compiègne, où il reprit les plans de son père, il triompha d’une double difficulté: la dénivellation créée par la présence de l’ancien rempart entre la cour et le parc, l’angle aigu formé par les deux façades principales, qu’il a masqué intérieurement par un artifice de plan. Saint-Hubert, château des chasses de Louis XV en forêt des Yvelines, n’a laissé qu’un souvenir. De Choisy, commencé par le grand-père de l’artiste, on conserve deux pavillons. À Fontainebleau, entre le jardin de Diane et la cour des Fontaines, Gabriel décora brillamment les appartements de Louis XV et de Marie Leckzinska. Ici, le Gros Pavillon est l’amorce d’une transformation générale, comme à Versailles le pavillon de la Chapelle. Le souci de l’apparat faisait place à celui du confort et de la tranquillité personnelle.

À Versailles, la Petite Galerie de Louis XIV et l’escalier des Ambassadeurs disparurent, sacrifiés aux commodités de la vie quotidienne. Au rez-de-chaussée du palais, l’une des plus belles pièces décorées par Gabriel est la bibliothèque du Dauphin. Au premier étage, il a laissé sa marque au salon de musique de Madame Adélaïde et aux pièces de l’appartement intérieur du roi: la bibliothèque, le cabinet d’angle et le cabinet des Pendules. Plus haut se développe, autour de la cour des Cerfs, le circuit mystérieux des petits cabinets où seuls quelques contemporains ont pénétré. Sur les dessins de Gabriel, Verberckt a répandu à profusion les ornements du style rocaille, mais toujours avec symétrie. Caractéristique est la rosace qui occupe souvent le centre des panneaux et justifie l’appellation de «rocaille rayonnant» donnée par Yves Bottineau au style de Gabriel. Louis XV, tout en approuvant le classicisme en architecture, est toujours resté fidèle au style décoratif qui porte son nom.

Un intéressant témoignage sur l’intime collaboration du roi et de son architecte a été laissé par le duc de Croý, qui vint un jour les consulter pour son château de Condé-sur-Escaut: «Le roi aimait beaucoup les bâtiments. Il me mena dans son joli pavillon de Trianon (le Pavillon français), me fit remarquer que c’était dans ce goût qu’il fallait bâtir. Il commanda à M. Gabriel de me donner deux plans qu’ils avaient faits ensemble dans le même goût et, demandant du papier et du crayon, je lui fis un croquis de ma position. Il dessina ces idées longtemps, lui-même et avec M. Gabriel, retournant cette position, pour laquelle il parut s’intéresser pendant longtemps.»

4. L’Opéra de Versailles

L’ouvrage le plus important de Gabriel à Versailles fut l’Opéra. La construction d’un théâtre dans l’aile du Nord, confiée par Louis XIV à Gaspard Vigarani, était restée en suspens. Il fut question de la reprendre en 1748. Paris manquait aussi d’un grand théâtre, et la tradition française dont Gabriel était l’héritier n’offrait en ce domaine aucun exemple. Seuls quelques machinistes de talent – Jean Nicolas Servandoni, Antoine Joseph Loriot, Jean Damun, Boulet, Blaise Arnoult, Alexandre Girault – savaient aménager pour un bal ou un spectacle une salle de palais. Versailles eut sous Louis XV un théâtre provisoire au Manège, un autre dans l’escalier des Ambassadeurs. Comme beaucoup d’autres, la création de Gabriel fut lente et soumise aux vicissitudes de la guerre et de la paix. L’artiste hésitait et ne pouvait courir le risque de l’échec. Longtemps, il proposa au roi des solutions provisoires. En 1750, la construction du théâtre de Lyon par Soufflot fut l’occasion d’une enquête à l’étranger. Le chevalier de Chaumont et l’architecte Gabriel Dumont visitèrent les théâtres italiens. Le programme à préciser mettait en jeu l’optique, l’acoustique, l’éclairage, la prévention des incendies, la commodité des issues, les habitudes mondaines en un temps où les femmes venaient moins au spectacle pour voir que pour être vues. Louis XV se réservait. L’important Marigny, les machinistes, les officieux de la ville et de la Cour abondaient en conseils irritants. C’étaient tour à tour Bachaumont, l’arbitre des goûts, le chagrin marquis d’Argenson, le graveur Cochin, les architectes de Bourges et Blondel, le chorégraphe Noverre, l’amateur Monginot.

Gabriel, pour se donner du temps, aménagea avec ampleur l’enveloppe architecturale de l’édifice. L’élévation qui achève discrètement l’aile du Nord au bord des réservoirs et celle qui se dresse comme une falaise vers la ville sont parmi ses chefs-d’œuvre les moins connus. Elles prolongent l’ordonnance fixée par Mansart du côté du parc et respectent la hauteur de ses étages: ici encore, une contrainte assumée a fait naître un bel effet (1764). C’est dans cet «abri souverain» que Gabriel, en attendant de conclure un tel projet à l’occasion de quelque mariage à venir, a mûri les dispositions d’un théâtre digne de la Cour et conforme aux vœux de l’opinion. Comme à Turin, la salle a reçu la forme d’un ovale tronqué du côté de l’avant-scène. Comme à Bologne, une voussure percée de lunettes soutient le plafond, ici décoré par Louis Durameau. Mais, pour éviter la monotonie qui donnait aux théâtres italiens l’aspect de «catacombes ou de cages à poulets», Gabriel a varié la saillie des balcons, échancré largement les cloisons des loges, joué d’un grand et d’un petit ordre de colonnes distribués sous la même corniche. Une triple loge grillée – au moment où va paraître Mme Du Barry – préserve au fond l’intimité royale. Blaise Arnoult étudia le mécanisme du parquet mobile qui réunit de plain-pied la salle et la scène pour le festin des noces du dauphin et de l’archiduchesse Marie-Antoinette.

Cette échéance de mai 1770 avait réuni dans la fièvre, autour de Gabriel et d’Arnoult, Abraham Guerne et Guesnon pour la charpente, Delanois pour la menuiserie des loges, Pajou pour un décor de sculptures que l’architecte eût souhaité moins exubérant. Débordé par tant de zèle et de compétences, le vieil architecte a su maintenir sa marque à l’ensemble avec une volonté digne d’admiration. Une restauration conduite vers 1965 par l’architecte André Japy a restitué à la salle sa polychromie primitive. L’éclat de trois mille bougies placées dans des «lampes à miroir» fit scintiller cette harmonie de bleu et d’or lors de quelques fêtes ruineuses, les dernières et peut-être les plus belles de l’Ancien Régime.

5. L’art de Gabriel

Un projet destiné à l’Opéra montre deux motifs possibles pour l’encadrement de la loge royale: un stipe de palmier et un pilastre. Cette hésitation consciente entre les libertés de la rocaille et le retour à l’ordre classique invite à situer Gabriel dans le mouvement profond qui transformait l’art français depuis le milieu du siècle. Les édifices dessinés par Gabriel père vers 1735 montrent que l’évolution classique engagée au temps de Louis XIV s’était légèrement infléchie sous l’influence de l’art italien. L’hôtel de ville de Rennes, avec sa concavité centrale et son beffroi bulbeux, garde le souvenir de la place Navone que Gabriel père a pu admirer à Rome avec Robert de Cotte en 1689. Les dessins signés par Ange Jacques en 1747 pour l’église de Choisy sont encore animés d’un pittoresque qui va progressivement s’effacer après 1750.

Le retour au classicisme est un mouvement que Gabriel n’a ni précédé ni entraîné, comme d’autres ont pu le faire autour de lui, mais auquel il s’est associé. Bien qu’il n’eût pas visité l’Italie, ses fonctions de premier architecte du roi lui assuraient la direction de l’Académie d’architecture et le plaçaient donc au centre du mouvement artistique de son temps: il a donné l’imprimatur aux écrits des réformateurs, écouté les conférences, approuvé les projets d’architecture publique, jugé les concours de Rome ainsi que les envois des lauréats férus d’archéologie gréco-romaine.

Les années où Gabriel met au point ses dessins pour la place Louis-XV sont marquées dans l’architecture parisienne par ce qu’on a nommé le style «à la grecque». Il s’agit en réalité d’un hellénisme de convention, reconstitué par ouï-dire en attendant la publication des premiers recueils sur les antiquités d’Athènes. Ce qu’on peut dire, c’est qu’un désir de sobre élégance et le retour au «grand goût» du règne de Louis XIV dominaient alors son inspiration. L’ordre corinthien, qui orne la place Louis-XV, étudié depuis longtemps d’après ses plus beaux exemples romains, est celui dont l’archéologie du XVIIIe siècle a le moins renouvelé la connaissance. L’œuvre de Gabriel ne renvoie donc pas à l’art grec tel que l’a connu le XVIIIe siècle, mais témoigne de cette qualité du goût qu’on nomme l’atticisme. Cette grâce fait le prix de quelques petits édifices conçus pour les plaisirs du roi ou son repos pendant la chasse: le pavillon français de Trianon, le rendez-vous du Butard et ses répliques du pont Colbert et de la Muette, en forêt de Saint-Germain.

La fin de la guerre de Sept Ans autorisa Mme de Pompadour à faire approuver par Louis XV l’un des projets de Gabriel pour le Petit Trianon. L’édifice devait prendre place près d’un jardin botanique planté sous les ordres de Bernard de Jussieu. Le volume cubique et le dessin des péristyles ne sont pas sans trahir l’influence du palladianisme anglais. Le même rythme se renouvelle au long des quatre façades, marqué ici par des pilastres et là par des colonnes. Cette œuvre, de proportions parfaites, justifie ainsi une maxime apparue au XVIIIe siècle: le beau est l’unité dans la diversité.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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